Les dossiers – Lucky Luke et l’univers du jeu

Tout le monde le sait, Lucky Luke est un personnage universel, mais principalement un héros de vertu qui n’a que pour seul vice de posséder une arme à feu. En effet, Lucky Luke n’a pas toujours été le représentant irréprochable de la justice et de la moralité. Dans les premiers albums dessinés par Morris, il était plus vulgaire, voire rustre et violent. La cigarette au coin de la bouche (qui disparaîtra au profit d’un brin de paille en 1983 pour pénétrer le marché US et faire face aux critiques), Morris en avait fait un personnage proche des westerns de l’époque tels que « Il Etait une fois dans l’Ouest », où le héros est solitaire et pour ainsi dire incorruptible car porteur d’une morale forte.

Que ce soit sous la plume de Morris ou celle de Goscinny, Lucky Luke est un personnage qui a su évoluer. Les vices les plus présents à l’époque que sont l’alcool et le jeu lui ont été épargnés. Toutefois cet univers du jeu fait partie intégrante de la bande dessinée. Nombreux sont les Francophones qui ont peu ainsi découvrir ce fameux jeu de cartes qu’est le poker, ainsi que les machines à sous, devenue célèbres au travers de l’album « Le Bandit Manchot » paru en 1981 aux éditions Dargaud où « Luke » est chargé par son « ami » le sénateur Pinball (nom anglais donné aux « Flippers » de nos bars adorés) de protéger les frères Arthur et Adolphe Caille, inventeurs de cette machine au travers de leur cheminement dans l’Ouest Américain. Avec le recul on peut considérer assez contradictoire que le défenseur de la justice qu’il est contribue à la propagation d’un jeu de casino, sans aucun doute d’ailleurs le plus populaire, sans que cela ne dérange personne.

On peut en tirer la même conclusion pour un autre jeu d’argent fréquemment abordé, le jeu Poker. Nombreux sont ceux qui se rappellent les personnages couverts de goudron et de plumes et accompagnés à la sortie des villes sur un rail de chemin de fer par des habitants revanchards. C’était en effet le châtiment réservé aux tricheurs dans les parties de poker que se déroulaient dans les saloons, site de poker par excellence. La dimension jeux d’argent est ici abordée de manière épurée, sans réellement montrer une quelconque addiction des joueurs, mais plutôt en le décrivant comme un passe temps de l’époque. De nombreux personnages vont d’ailleurs être introduits en relation avec l’univers du jeu, le plus célèbre étant Pat Poker dans l’album « Lucky Luke contre Pat Poker » sorti pour la première fois en 1953, que l’on retrouve dans le dernier film de James Huth avec Jean Dujardin, mais qui dans la BD se retrouve plus que souvent recouvert de plumes. On ne verra d’ailleurs jamais réellement Luke jouer au poker contre ses adversaires. Il intervient plus généralement en tant qu’arbitre neutre quitte à le voir dégainer son colt pour faire voler les cartes des tricheurs ainsi qu’accessoirement les mini-pistolets qu’ils affectionnent.

De nombreuses générations qui ont été bercées par les albums de Lucky Luke ont grandi avec l’idée que les jeux d’argent tels qu’ils sont présentés ne sont pas malsains et où les tricheurs sont punis. Quoiqu’on en dise et malgré tous les stéréotypes que véhiculent le poker ainsi que les machines à sous, ils font partie intégrante de l’univers de Lucky Luke, vu par Morris et Goscinny, et on ne le regrette pas.